Bien que ressemblant à des Tubérales (Ascomycètes)
au sens large, les Rhizopogon n'en font pas partie puisque ce sont
des Basidiomycètes. Angiocarpes, gastéroïdes,
R.Heim avait déjà noté la filiation avec les
Boletales. L'analyse phylogénétique récente n'a
fait que confirmer, les Rhizopogon font bien partie de la famille des
Boletales et sont étroitement reliés au genre Suillus
(réf.3)
.
Tableau montrant la relation phylogénétique étroite entre les genres Rhizopogon et Suillus
ectomycorhiziques avec les conifères ( Abies alba, Picea, Pinus, Douglas)
une structure simple, péridium, gléba à cellules tapissées par l'hyménium, rhizomorphes
spores elliptiques, quasi hyalines, parois lisses
7 espèces dans l'ouvrage de Montecchi et Sarasini (ref.2), 17 dans celui de M.P.Martin (ref.1), 3 relativement fréquentes, R.roseolus, R.luteus, R.vulgaris, les autres rares à trés rares.
Imagerie autour de R.rocabrunae
Rhizopogon rocabrunae est donc une espèce rare, plutôt méridionale et pas toujours facile à identifier. Ainsi M.Sarasini, auteur d'un important ouvrage sur les champignons hypogés s'est trompé sur sa récolte de R.rocabrunae (2000), appelé bien plus tard R. pumilionum (2010, Zotti et al.), trompé encore sur la récolte suisse nommée par lui R.rocabrunae, mais... R.pannosus par M.P.Martin (Kathriner et al.). Pourtant une fois rencontré dans la nature et identifié, ce champignon semble d'un diagnostic facile. Peu d'espèces, en effet, présente une coloration orangée aussi vive et sous la loupe un péridium aux verrues aussi marquées. Au micro, la vision des spores tronquées achève de bien restreindre la plage des possibilités. Cependant la présence des taxons proches, R.pannosus et R.pumilionus, complique un peu la situation. Nous y reviendrons par la suite.
Stations et écologie.
Station de Disse (Disse-1)
L'habitat est constitué de conifères sur sol
calcaire, en milieu relativement humide, en dessous d'une source
coulant juste à coté, dans la forêt de Disse,
sur le territoire de la commune de Gex (01), altitude 770 m. Sur le
lieu, on trouve aussi bien Picea abies que
Pinus nigra (P.sylvestris ?), sans possibilité de faire la liaison avec
notre champignon. R.rocabrunae est supposée lié à
Abies alba. Ceux-ci sont aussi présents, cependant, aprés un réexamen de la situation sur le terrain, l'hypothèse "Abies" est peu probable.
Autres stations
- Le 13/5/12,
une deuxième station (3-4 exemplaires) a été
découverte à une centaine de mètres de la
première (Disse-2). Même situation écologique.
- Le 9/5/12 a été
récolté à qq km, par nos amis suisses, prés
de l'abbaye de Bonmont (coord. 501.087/140.733, alt. 637 m) un
Rhizopogon aux caractéristiques trés similaires.
Retrouvé le 16/5/12, la micro (BD-MG)
confirme bien qu'il s'agit également de la même espèce (voir
la note de récolte
). Cette fois la situation sur le terrain privilégie nettement Pinus (nigra ou sylvestris).
Récoltes.
La
description provient de 4 récoltes réalisées
sur la même station en 2007, 2010, 2012 et 2013, en avril-mai. La
récolte de 2012 a fait intervenir entre 15 et 20 spécimens
sur une longueur de l'ordre du mètre et sur une période
du mois. En 2013, la production était plus faible mais l'extension de la station s'est révélée bien plus grande (une dizaine d'exemplaires sur une surface de l'ordre d'une trentaine de m2). Il s'agit de basidiomes semi-épigés dont la
remarquable couleur rouge-orange frappe l'oeil sur le terrain.
- photo
in situ, récolte du 20/4/12, photo1,
photo2,
photo3,
récolte du 13/5/12, photo,
photo Isabelle ,
photo jacqueline Beau
- récolte de l'abbaye de Bonmont, 16/5/12, photo , 13/5/13, nouvelle récolte, 2 exemplaires ( photos et étude B.Desponds).
Récolte Disse-1 2012
Basidiomes.
Les exemplaires sont semi-hypogés, subglobuleux, de 30 à
40 mm (un spécimen dépassant les 60 mm), à
revêtement remarquablement orangé sur le terrain,
devenant brunâtre, plus terne avec la manipulation. A noter
que la couleur orange est ravivée par l'humidification.
L'odeur est agréable, la saveur douce. On note immédiatement,
l'aspect verruqueux, silloné dans la partie hypogée,
la présence de rhizomorphes, photo,
photo.
Péridium.
Le
péridium orange, sous la loupe, présente un aspect
verruqueux, granuleux, grandinioïde. Les verrues (1 ou 2 par
mm), concolores, d'aspect conique, trés labiles, s'applatissent et noircissent à
la manipulation. Entre les verrues, le tissu paraît lâche,
lacuneux. La structure du péridium est simple, couche externe
d'épaisseur 200 à 500 μ, séparée de
la gléba par une couche fine blanchâtre. Avec KOH 5%,
la réaction est brun violacé (2007,2010), rougeâtre
puis noirâtre (2012),
photo,
photo,
photo.
Gléba.
Blanche,
blanchâtre (tachée de rougeâtre quelquefois à
la coupe ou autour des blessures), chez les jeunes exemplaires,
créme-pâle, rapidement olivâtre avec la
maturation. Réaction faible (jaunâtre) avec KOH.
Structure alvéolée, logettes labyrinthiques (0.5-1 mm)
à parois épaisses (100-200 μ)
- récolte
de Disse-1, coupe,
coupe jeune
ex. avec réaction KOH 5% coupe,
zoom,
-
récolte de Bonmont, coupe
, zoom
péridium
Coupe de la gléba montrant le péridium et les alvéoles tapissées de l'hyménium.
Rhizomorphes.
La partie
hypogée montre des faisceaux de rhizomorphes, plus ou moins
développés, à la base mais aussi latéralement,
localisés en un ou plusieurs points (jusqu'à 4), en
cordons trés fins (0.1 mm) ou épais et applatis
(plusieurs mm). photo,
photo
micro Oscar 2010,
micro Oscar 2012, récolte de Disse,
micro Michel Gossens, récolte de Bonmont,
micro Michel Chemarin, récolte de Disse.
Description micro. Disse-2012 MC
Spores.
Résultats des mesures sporales (en μ)
nr |
micro |
date |
L |
l |
Q |
V |
n |
réactif |
11 |
1684 |
7/5/15 |
6.9±0.6 |
2.9±0.1 |
2.37±0.15 |
31.3±4.9 |
20 |
RCA |
10 |
1359 |
16/5/13 |
6.7±0.5 |
2.9±0.1 |
2.30±0.15 |
29.9±3.0 |
30 |
RCA |
9 |
1358 |
10/5/13 |
6.8±0.5 |
2.9±0.1 |
2.35±0.20 |
30.4±3.8 |
20 |
eau |
8 |
1203 |
13/5/12 |
7.2±0.6 |
2.9±0.1 |
2.5±0.15 |
30.6±4.7 |
25 |
Meltzer |
7 |
1196 |
20/4/12 |
7.0±0.7 |
3.0±0.2 |
2.3±0.2 |
34.5±6.5 |
25 |
Meltzer |
6 |
1196 |
20/4/12 |
6.8±0.5 |
3.0±0.15 |
2.25±0.15 |
32.9±4.0 |
20 |
eau |
5 |
872 |
16/5/10 |
7.5±0.5 |
2.9±0.2 |
2.6±0.2 |
33.8±5.2 |
30 |
eau+Meltzer |
4 |
872 |
16/5/10 |
6.8±0.4 |
3.0±0.2 |
2.3±0.2 |
31.2±4.1 |
14 |
RCA |
3 |
872 |
16/5/10 |
7.0±0.5 |
3.1±0.3 |
2.3±0.2 |
35.5±6.7 |
20 |
RCA |
2 |
872 |
16/5/10 |
6.9±0.6 |
2.9±0.2 |
2.3±0.2 |
31.0±5.2 |
20 |
Meltzer+eau(OR) |
1 |
258 |
13/5/07 |
7.5±0.3 |
3.0±0.1 |
2.5±0.2 |
34.9±2.5 |
5 |
eau |
Les spores sont mesurées en position dorsale, symétrique, avec la troncature bien évidente. L et l sont la longueur et la largeur (en μ), Q le rapport L/l, V le volume (en μ3), n le nombre de spores utilisées, V= 0.523 L l2, spore supposée ellipsoïde de révolution. Les chiffres sont respectivement la moyenne et la déviation standart de la distribution.
Les mesures montrent une trés bonne stabilité, en particulier pour la largeur de la spore. Egalement pour le volume, ce qui se comprend, vu la dépendance en fonction de l au carré. Ces 2 variables, l et V, sont donc à mettre en avant. A titre de comparaison, une récolte de Rhizopogon roseolus (Vesancy, 2/7/08) a donné respectivement l=3.5±0.2 μ et V=44.2±7.9 μ3, bien en dehors des valeurs obtenue pour R.rocabrunae.
Structure
péridium.
Epaisseur de l'ordre de 300 μ, couche
supérieure faite de faisceaux d'hyphes parallèles,
courtement septées (Φ 5-8 μ). Partie d'un faisceau
peut se détacher vers l'extérieur et former ainsi la
structure d'une verrue, le tout dans un gelin jaunâtre
difficile à éclaircir.
Basides.
L'hyménium
tapisse les parois des logettes, hyménium en palissade
constitué de basides courtes, cylindriques ou clavées
(~20 x 5 μ). Pas de cystides observées malgré plusieurs recherches.
Rhizomorphes.
Formés
d'hyphes (Φ ~2μ) à parois épaisses, fortement
incrustées, granulations calcaires (Oscar). Egalement un
tissu lâche, hyphes à parois minces (Φ jusqu'à
20μ), le tout englobé dans une substance jaunâtre
compacte, huileuse, cristulée (cristaux verdâtres
5-10μ)
En 2007, ce Rhizopogon, observé en fin de sortie, n'avait
pas vraiment attiré l'attention et avait été
nommé un peu rapidement R.roseolus. La découverte
en 2010 de la station avec ses nombreux et remarquables exemplaires
avait initié une étude macro et micro plus sérieuse
et aboutit au tableau
comparatif suivant. La couleur du péridium, son aspect
granuleux, les spores tronquées nous conduisait à
R.rocabrunae sans trop d'incertitudes. Absent en 2011, la découverte
de nombreux basidiomes en 2012 nous a permis de compléter nos
observations et d'éliminer les possibilités d'espèces
proches telles que R.pumilionus ou R.pannosus. L'espèce
présentée par M.Sarasini comme R.rocabrunae (ref.2)
nous avait paru suspecte à cause de la couleur des basidiomes,
trés éloignée de celle de nos exemplaires et des
autres récoltes de R.rocabrunae. La détermination
finale comme R.pumilionus (ref.4) apporte une solution au problème.
R.pannosus est en fait la seule espèce trés proche de
R.rocabrunae ( même couleur, même spores tronquées).
Cependant la structure externe du péridium est différente
chez les 2 espèces, hyphes parallèles et verrues
régulières pour R.rocabrunae, hyphes entremêlées
et verrues irrégulières pour R.pannosus.
comparaison M.P.Martin (R.pannosus à gauche, R.rocabrunae à droite).
Toutes nos
études de structure du péridium nous ont convaincus que
nos récoltes décrites dans cette note appartiennent
bien à R.rocabrunae.
Finalement, la seule incertitude
concerne la nature du partenaire ectomycorrhizique, 3 types de
conifères étant présents sur le site.
L'observation précise de l'habitat des 2 autres stations nous
permettra peut être de lever cette incertitude.
Martin M.P.,1996, The genus Rhizopogon in Europe.
Montecchi e Sarasini, Funghi ipogei d'Europea, AMB(2000)408-429.
Biology of the ectomycorrhizal genus Rhizopogon, Grubisha et al, Mycologia,94,2002.
First records of Rhizopogon rocabrunae et R.pumilionum in Italia, Zotti et al., Mycotaxon,113(2010) 291-296.
Rhizopogon rocabrunae, première récolte française, J.Cavet et F.Lopez, FMDS-175(2004)33.
Intéressants Rhizopogons, Kathriner et Mühlebach, BSM, 4(2008)140-144.
Rhizopogon abietis et Rhizopogon marchii, BSM, 4(2012)140-145.
Observations of the occurence of Rhizopogon pannosum in Austria, Moser et al., Osterr. Z. Pilz. 8 (1999)5.
Rhizopogon pannosus - Rhizopogon pumilionus ? Moser et al., Osterr. Z. Pilz. 9 (2000)17.
Rhizopogon pumilionum, BSMF 2(1923)170, Deutsche Z. Pilz. 2 (1956)75.